Intrants autorisés en bio : le vin naturel s’y retrouve-t-il vraiment ?
Explorer, comprendre et déguster le vin naturel belge
Avant de plonger dans la question des intrants, prenons soin de distinguer les notions qui se bousculent souvent : le vin bio, le vin “nature”, le “vin naturel”. Ce n’est pas seulement du vocabulaire, mais avant tout une question de cahier des charges et de philosophie.
Ce flou fait le charme – et parfois la confusion – de cette famille de vins en perpétuelle négociation avec soi-même. Côté belge : la plupart des vignerons engagés se réclament avant tout du bio, et certains poussent la démarche jusqu’au naturel, avec toutes les nuances que cela suppose.
“Bio” sur l’étiquette ne signifie pas toujours “aucun intrant en cave”. Une trentaine d’intrants (additifs et auxiliaires technologiques) restent tolérés pour les vins bio, avec diverses restrictions (source : INAO, règlement européen). Voici les plus notables :
Sur le papier, un vin strictement bio peut donc être façonné de façon très technique. N’oublions pas qu’une dizaine d’étapes de la vinification peuvent être « assistées » d’un intrant, même sur une cuvée certifiée bio.
La question centrale : jusqu’où peut-on aller pour rester “naturel” ? À l’origine de la mouvance, la franche opposition à toute intervention jugée “trahison du fruit” domine la réflexion :
L’esprit : c’est la conséquence du raisin, du millésime et du travail du vigneron, pas le résultat d’une recette de laboratoire. Naturel, ici, signifie « nu », sans fard.
À noter qu’aucune certification officielle ne vient verrouiller la définition. Mais c’est aussi ce qui fait la vigueur du débat et de la créativité, surtout chez les artisans belges, souvent issus de reconversions ou de parcours de passion qui bousculent les lignes héritées du conventionnel.
Même s’ils sont d’origine naturelle (argiles, substances issues de l’œuf, de la plante…), les intrants restent, par définition, une forme de modification par l’homme. Plusieurs points de friction s’invitent régulièrement dans les réunions professionnelles ou festivals de vin vivant :
La véritable fracture ? L’idée que l’intervention, même douce, traduit avant tout la volonté de contrôler la nature plutôt que de l’accompagner. Ce n’est pas “l’ingrédient” qui pose souci, c’est le projet que cela traduit sur la bouteille.
Depuis la bulle des années 2010, les syndicats se sont organisés pour clarifier les positions – et offrir des repères au consommateur désireux de transparence.
Certaines associations vont même plus loin, en refusant toute filtration, tout ajout, même de nature “bio”, et en poussant l’accompagnement du vin jusqu’à la mise sur le marché sans ajout de sulfite.
La tendance belge, amorcée dès 2017 avec l’émergence de pionniers comme les Domaines Vinum Vivum (Brabant wallon) ou le Clos d’Opleeuw (Limbourg), confirme cette radicalité : pas question ici de jouer sur l’ambiguïté. Le vin veut traduire son site, son millésime, sa fermentation – et non une norme, même labellisée.
Même pour un amateur averti, distinguer ce qui est naturel, bio ou “bio plus technique” n'est pas toujours évident. Quelques repères :
Une enquête de l’UFC Que Choisir de juillet 2023 lève le voile : sur 150 cuvées françaises auto-proclamées “nature”, seules 43 confirment un dosage inférieur à 30 mg/L de SO₂ total (seuil français AVN). Source : UFC Que Choisir. D’où l’importance d’un dialogue avec le caviste, le vigneron ou via des associations qui tiennent des listes à jour.
Au-delà du débat technique, ce sont les qualités organoleptiques qui tranchent. Plusieurs études démontrent l’impact des intrants sur la signature du vin :
Beaucoup de vignerons belges racontent que leur plus grande fierté n’est pas la médaille d’un concours, mais la capacité d’un vin à surprendre, à se transformer dans le verre et à raconter un lieu comme une histoire singulière. Les intrants, même “bio-compatibles”, viennent alors comme autant de filtres ou de couche d’un maquillage qui uniformise l’expression.
La Belgique, à petite échelle, pousse même plus loin l’expérimentation et la clarté que ses voisins. Plusieurs jeunes domaines (Domaine du Chenoy, Vin de Liège, Clos la Carrière, Hectério…) revendiquent soit le refus total des intrants, soit la complète gratuité d’information (toutes les analyses, tous les détails techniques sont partagés lors des portes ouvertes ou des ventes directes). L’enjeu n’est pas de “créer du buzz” ou de “coller à la mode nature”, mais de façonner une viticulture où la confiance se fonde sur la pédagogie et le respect du vivant.
Ce sont aussi ces artisans qui osent remettre en question ce qui semblait intouchable : la place du soufre (parfois remplacé par des pratiques douces comme les élevages très longs sous voile), le refus du collage brut pour des vins plus structurés, et la volonté de raconter le millésime tel qu’il est, quitte à dérouter ou enthousiasmer.
La question “le vin naturel peut-il utiliser des intrants autorisés en bio ?” invite à dépasser le simple catalogue d’additifs pour réfléchir à la vision du vin portée par ses artisans. En théorie, certains intrants bio sont “compatibles” si l’on regarde les règlements, mais pas dans la grande majorité des pratiques naturelles belges ni dans l’esprit qui anime cette communauté. Plus qu’une liste d’interdits, il s’agit d’une exigence de cohérence, de clarté, et d’accompagnement du vin, avec un fil conducteur : le respect du vivant, du goût, de la vérité du fruit.
La meilleure boussole ? La curiosité. Lire les étiquettes, discuter avec les vignerons, échanger lors de salons ou de dégustations. Le vin naturel belge, loin des chapelles, s’enrichit en permanent dialogue : entre la nature, le vigneron, et toutes celles et ceux qui cherchent à mieux comprendre l’alchimie du vivant dans un verre.
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