Vin naturel en Belgique : ce que dit (et ce que ne dit pas) la loi
Explorer, comprendre et déguster le vin naturel belge
Le vin naturel, en Belgique comme ailleurs, agit un peu comme une énigme pour le législateur. Ce n’est ni une catégorie réglementaire officielle – contrairement à des labels tels que « bio » ou « biodynamique » – ni une simple fantaisie marketing. C’est pourtant un pan entier de la viticulture du pays qui gravite autour de cette idée de vin sans artifices, où l’ingrédient unique reste le raisin, mené par le travail du vigneron et les caractéristiques de son terroir.
Dès lors, comment encadre-t-on juridiquement la production de vin naturel en Belgique ? Ce voyage passe par l’Europe, les obligations belges, et surtout la façon dont les vignerons eux-mêmes s’organisent. Les réponses tiennent autant dans ce qui est écrit… que dans les espaces laissés blancs.
Impossible de parler vin en Belgique sans plonger d’abord dans le droit européen. En matière de vinification, la Belgique est tenue de respecter le Règlement (UE) n°1308/2013 établissant l’organisation commune du marché des produits agricoles (et donc du vin). Y sont listées toutes les pratiques œnologiques autorisées, les teneurs maximales en soufre, les ingrédients, les additifs pouvant être utilisés (voir synthèse sur le site Commission Européenne).
Or, ces règles constituent une « base » à laquelle les vignerons belges ne peuvent déroger, mais rien ne les oblige à user de tous ces outils. Le vin naturel vise justement à s’en passer, en appliquant une philosophie bien plus stricte – dans les faits, mais pas dans la loi.
C’est l’une des singularités de la Belgique : le vin naturel ne fait l’objet d’aucune définition officielle dans la loi belge. Dans les textes encadrant la viticulture et la commercialisation (notamment AR 22 décembre 2020 et AR 13 novembre 2022 sur la production et la commercialisation des vins), seuls les termes « vin bio » ou « biodynamique » sont véritablement mentionnés et encadrés.
En réalité, la définition du vin naturel résulte d’un consensus « de terrain », largement aligné sur la charte de l’Association des vins naturels (AVN France) : vin issu de raisins biologiques ou biodynamiques, fermentations spontanées, absence d’intrants à l’exception possible de faibles doses de soufre, pas de filtration poussée. Mais juridiquement, tout reste « flou ».
Les vignerons belges produisant du vin naturel ne sont pas inspectés sur la « naturalité » de leurs pratiques, mais sur le respect des réglementations générales en vigueur, notamment :
Par conséquent, un vigneron qui souhaiterait vinifier et vendre un vin sans soufre ajouté, non filtré, sans levures exogènes, sans collage, n’est en rien empêché par la loi… tant qu’il respecte le reste des normes sanitaires et l’interdiction des substances non autorisées. Les contrôles porteront sur le respect de l’ensemble des pratiques permises, mais pas sur l’absence volontaire d’interventions chimiques.
Le seul moyen d’obtenir un « tampon » légal reconnu, c’est aujourd’hui de passer par la certification biologique (ou biodynamique). En Belgique, c’est le Service Public Fédéral Santé Publique (SPF) et des organismes de contrôle agréés (Certisys, TÜV Nord Integra, Ecocert…) qui vérifient la conformité des cultures et du chai.
À ce jour (chiffres BioBel 2023), près de 46% des surfaces de vignes belges sont cultivées en bio ou conversion, soit près de 120 hectares sur les 260 recensés.
Ce certificat ne garantit pas pour autant la naturalité du vin fini : la législation bio tolère le recours, quoique encadré, à des levures sélectionnées, à la filtration, au sulfitage modéré. Il existe donc des vins biologiques parfaitement classiques, et, inversement, des vins « naturels » (au sens strict) qui n’affichent pas le logo UE, faute de vouloir entrer dans ce circuit d’audit payant et chronophage.
La conséquence directe, c’est qu’en Belgique, comme dans la plupart des pays européens, le terme « vin naturel » ne repose que sur la parole du vigneron et la confiance que le consommateur peut accorder. Il n’en existe ni définition dans le code, ni organisme certificateur, ni label d’État.
Côté producteurs belges, quelques-uns tentent de structurer l’offre : on retrouve par exemple la « Charte zéro intrant » adoptée par plusieurs micro-domaines en Wallonie, qui précisent dès l’étiquette leurs engagements : ni additif, ni sulfitage, ni collage ni filtration (ou alors réduction à minima), vendanges manuelles, raisins bio au minimum. Mais cette charte n’a pas de reconnaissance légale ni d’effet contraignant.
Depuis 2023, la France a instauré pour la première fois au monde la mention « Vin Méthode Nature » (pilotée par le Syndicat de Défense du Vin Naturel), avec contrôle annuel et QR code à scanner pour chaque cuvée. Ce n’est pas reconnu dans le droit belge, mais certains vignerons wallons commencent à s’en inspirer.
L’annonce majeure : depuis le 8 décembre 2023, tout vin vendu en Europe (et donc en Belgique) doit afficher la liste complète des ingrédients, des additifs et la valeur nutritionnelle. Pour les vignerons naturels, c’est souvent un facteur de différenciation immédiat :
Dans une logique de production artisanale et de confiance directe entre producteur et consommateur, cette obligation va dans le sens de la clarté… Mais elle n’abolit pas la confusion sur ce qu’est, ou non, un vrai vin naturel : deux vins très différents peuvent afficher des listes d’ingrédients identiques si d’autres pratiques non visibles (levurage, filtration, thermovinification…) interviennent.
Faute de cadre légal clair, la défense de la naturalité du vin se fait d’abord sur le terrain : salons spécialisés (« Bouteilles rebelles » à Bruxelles, « Bien Boire en Beaujolais » qui accueille des belges), cavistes militants, réseaux sociaux, bouche-à-oreille. Nombre d’organisateurs de salons belges emploient des comités de dégustation et imposent leur cahier des charges : raisins certifiés bio, aucun intrant au chai ou à dose minimale, pas de filtration stérile, prise de risque assumée sur les fermentations.
Le rôle du caviste indépendant tient aujourd’hui à cet accompagnement pédagogique : expliquer ce qui distingue, au-delà de l’étiquette, la philosophie d’un domaine, d’une cuvée, voire d’un millésime.
Plusieurs acteurs œuvrent à une harmonisation future. Une proposition de reconnaissance officielle du vin naturel a été soumise au niveau européen par l’AVN dès 2020. Des discussions émergent également auprès de l’Institut belge pour l’amélioration de la Viticulture (IBV) et au sein de l’Association des Vignerons de Wallonie.
Pour l’instant, aucun débat parlementaire n’a abouti à une législation spécifique en Belgique. Mais la croissance importante du secteur (on dénombrait 42 domaines revendiquant des pratiques naturelles en Wallonie et Flandre en 2023, selon Vignoble de Wallonie) et l’intérêt des consommateurs poussent à une clarification. L’arrivée de la mention « Vin Méthode Nature » en France fait des émules et dessine peut-être le chemin à venir : un jour, un vin naturel belge pourra-t-il afficher fièrement, sur son col, des engagements audités et compris de tous ?
On retiendra donc qu’en Belgique, la production de vin naturel se situe à l’intersection de la loi européenne, de la réglementation bio, et du sérieux des dynamiques locales. Une somme de convictions, de pratiques partagées, et – par nécessité ! – de pédagogie pour que chacun puisse apprécier, en connaissance de cause, ce que contient réellement son verre.
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