Choisir un vin respectueux de l’environnement : entre engagement, terroir et transparence

Explorer, comprendre et déguster le vin naturel belge

Comprendre l’impact environnemental de la vigne et du vin

La filière viticole, avec 7,3 millions d’hectares plantés dans le monde (source OIV, 2023), occupe une place significative dans nos campagnes. Or, longtemps, cette filière a traîné une réputation de dépensière en intrants : pesticides, herbicides, fongicides, engrais de synthèse, eau, mais aussi carburants pour le travail du sol, et énergie pour la vinification.

Quelques chiffres pour prendre la mesure :

  • La vigne ne couvre que 3% de la surface agricole européenne, mais elle consomme à elle seule près de 20% des pesticides (source : Parlement Européen, 2022).
  • L’agriculture conventionnelle peut utiliser jusqu’à 40 traitements chimiques par an selon les régions et les millésimes.
  • Le bilan carbone d’une bouteille conventionnelle varie énormément selon la destination, le mode de transport et le type de flacon, mais on estime que pour un vin français expédié en Belgique, l’emballage (bouteille, carton) représente 40 à 50% de l’empreinte carbone totale (source : Ademe 2021).

Biologique, biodynamique, nature : définitions et nuances

Comprendre les différences est essentiel avant de comparer leur impact réel. Les étiquettes se multiplient, la confusion aussi.

Le vin conventionnel

  • Utilisation possible de produits de synthèse (pesticides, engrais, herbicides).
  • Traitement du vin avec de nombreux additifs autorisés (jusqu’à 70 selon l’OIV).
  • Rendements souvent élevés.
  • Peu de contraintes concernant la biodiversité, la vie des sols, l’eau…

Le vin biologique (label européen, AB...)

  • Interdiction des pesticides et engrais de synthèse, mais usage du cuivre et du soufre autorisé.
  • Limiter les intrants à la cave (sulfites, enzymes, filtration... sont beaucoup plus réglementés qu'en conventionnel).
  • Respect de la biodiversité et de la vie du sol, mais les cahiers des charges sont variables.
  • Un vin “bio” ne signifie pas forcément respect d’une fermentation naturelle ou absence totale d’intrants en cave.

Le vin biodynamique (Demeter, Biodyvin...)

  • Respect des principes agricoles développés par Rudolf Steiner : préparations à base de plantes, observation des cycles lunaires, compost “renforcé”.
  • Interdiction des produits chimiques, limitations d’intrants encore plus strictes qu’en bio.
  • Le label impose souvent une certification complémentaire.
  • Accent mis sur la santé globale du vignoble, la vitalité des sols, la cohérence du lieu.

Le vin naturel

  • Pas de label officiel européen reconnu à ce jour (même si des démarches existent, ex : le label français “Vin Méthode Nature”), mais une charte généralement très stricte.
  • Vendanges manuelles, raisin issu de l’agriculture biologique ou biodynamique à minima.
  • Pas, ou très peu, d’intrants en cave, ni correction du vin, ni filtration systématique.
  • Souvent pas de sulfites ajoutés, ou alors à dose très faible (10 à 30mg/l, vs 150mg/l possible en conventionnel pour le rouge).

Quels leviers pour un vin vraiment écologique ?

Pour traverser le brouillard des labels, quelques critères concrets aident à évaluer l’impact écologique d’une bouteille :

  • Le respect de la biodiversité : multiplication des haies, enherbement des rangs, maintien de la faune auxiliaire. Un hectare de vigne enherbée peut stocker de 0,5 à 2 tonnes de CO2/an (source : INRAE).
  • La gestion raisonnée de l’eau : alors que certaines régions viticoles mondiales souffrent d’un déficit hydrique croissant, la réduction de l’irrigation est un enjeu fort. En Champagne, 1 litre de vin nécessite en moyenne 700 litres d’eau, dont 98% pour la vigne ! (source : CIVC, 2021)
  • La réduction des intrants et de l’énergie : tourner le dos à la chimie de synthèse, mais aussi réduire les labours, repenser la mécanisation pour limiter la consommation de carburant.
  • La maîtrise du transport et de l’emballage : opter pour des bouteilles allégées, des bouchons naturels ou recyclés, des packagings repensés (le retour des bouteilles consignées, le vrac...)
  • L’engagement social : un vin vraiment respectueux de l’environnement doit aussi intégrer le respect de l’humain : pas de précarité des vendangeurs, juste rémunération, circuits courts.

La filière vin naturel va, sur tous ces points, souvent bien plus loin que les labels minimum du bio. Mais rien ne remplace la transparence : visiter un domaine, discuter avec le vigneron, demander comment il travaille… Plus que le logo, c’est l’approche qui compte.

Le vrai bilan : bio, biodynamie et vin nature, qui va le plus loin ?

Les études scientifiques convergent : passer du conventionnel au bio permet de réduire entre 20 et 50% l’impact carbone par bouteille (source : Ademe, 2013). Plus parlant encore, les vignobles certifiés Demeter présentent, selon l’INRAE, des taux de matière organique dans les sols en hausse de 30% en moyenne, ce qui favorise stockage de carbone et résistance à la sécheresse.

  • Bio : point fort sur la réduction des pollutions et de la toxicité ; la vie du sol et de la biodiversité est significativement meilleure qu’en conventionnel.
  • Biodynamie : favorise la vitalité écologique globale de la parcelle, inclut souvent un engagement plus fort sur le cycle court, l’autonomie du domaine (utilisation de compost, réduction drastique des énergies fossiles...).
  • Nature : la démarche la plus “zéro-défaut” possible, qui va souvent au-delà des labels en terme de transparence, de production à échelle humaine, de logique paysanne. Dans la cuverie : aucun produit, zéro artifice, juste la fermentation naturelle. Pour beaucoup, le choix d’un vin naturel local, produit à petite échelle, avec retour de consigne ou en bag-in-box, est le plus faible en impact environnemental.

Un frein reste cependant à noter : pour répondre à une demande grandissante, certains vins bio ou même nature importés de très loin présentent un bilan carbone qui s’envole au transport. Une bouteille bio chilienne débarquant à Anvers aura un impact de 3 à 5 fois supérieur à celui d’un vin nature belge livré en circuit court.

La Belgique, terre de vignobles engagés

Si le mouvement nature reste naissant chez nous, la Belgique compte aujourd’hui près d’une centaine de domaines certifiés bio ou en conversion (Vlaamse wijngilde, 2022). Des pionniers comme le Domaine du Chenoy à Namur, Vin de Liège ou encore le Château Bon Baron multiplient les expérimentations : couverts végétaux, agriculture de conservation, panneaux solaires, récupération des eaux de pluie.

Les micro-cuves et le modèle artisanal (souvent à moins de 10 000 bouteilles/an) permettent :

  • Une traçabilité parfaite (on connaît le nom de chaque vendangeur, de chaque parcelle...)
  • Un usage quasi nul du tracteur (donc plein de petits gestes à la main, mais pas d’émissions !)
  • Des vins embouteillés sur place, vendus dans un rayon de moins de 100 km.

C’est là, tout près, que le modèle de vin respectueux de l’environnement prend tout son sens : pas de grand discours, peu de labels parfois, mais une implication concrète sur tout le cycle.

Quid des controverses ? Le cuivre, les rendements, l’énergie…

Tout n’est pas si simple. Le cuivre, autorisé en bio (jusqu’à 4 kg/ha/an depuis 2019, source : règlement UE), s’accumule dans les sols et interroge : la vigne belge, soumise à une forte pression fongique, en consomme-t-elle trop ? Les nouvelles pratiques, comme l’usage de tisanes de plantes, la sélection de cépages résistants, l’agroforesterie, cherchent à limiter cet impact.

De même, la multiplication des petits domaines n’est pas automatiquement synonyme d’excellence environnementale : tout dépend de leur gestion de l’énergie, de l’eau, ou même de l’étiquetage (encre végétale, recyclage…)

Repères pour bien choisir une bouteille engagée

  • Privilégier les vins locaux, produits dans un rayon de moins de 200km pour limiter le transport.
  • Regarder si la bouteille est légère (moins de 420g par exemple), ou si le domaine utilise la consigne.
  • Se fier à la transparence plus qu’aux logos : une mention “Mis en bouteille au domaine”, ou mieux, l’adresse du vigneron, est un bon signe.
  • Demander si le domaine pratique les couverts végétaux, l’agroforesterie, la réduction des intrants – ce sont souvent les démarches les plus concrètes.
  • En cas de doute : goûter ! Les vins vivants, frais, caractéristiques, sont souvent le reflet d’un sol respecté… et d’un vigneron engagé.

La voie du vin environnemental : entre rigueur et plaisir

Adopter un vin le plus respectueux de l’environnement, ce n’est pas sacrifier l’émotion sur l’autel de la vertu, ni tomber dans une chasse au label. C’est s’ouvrir à une autre manière de regarder la vigne, à des pratiques plus sobres, parfois plus exigeantes, toujours plus humaines. En Belgique, comme ailleurs, les démarches bio, biodynamiques et nature offrent aujourd’hui de vraies réponses, mais la clé reste dans la cohérence du projet, la conscience du sol… et le partage.

Sources :

  • Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) : https://www.oiv.int/
  • ADEME - Agence de la transition écologique
  • INRAE – Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement
  • CIVC – Comité Champagne
  • Parlement Européen - “Pour une utilisation soutenable des pesticides” (2022)
  • Vlaamse wijngilde